L’inspiration derrière la publication de ce feuilleton remonte à une pratique née au XIXème siècle qui mêle littérature et presse. La naissance du roman-feuilleton coïncide avec le développement de la presse.

 

Dans un premier temps le terme de feuilleton renvoyait à la publication de critiques et d’articles littéraires qui donnaient naissance à des querelles par journaux interposés entre leurs auteurs. Ce débat d’idées crée un espace pour l’apparition du roman-feuilleton qui est d’abord la publication des chapitres de roman. C’est notamment ainsi que Balzac publiait ses romans partiellement avant de les éditer en volumes. Le découpage de l’œuvre n’est pas prévu avant l’écriture mais la démocratisation de la presse va transformer cette pratique en véritable genre littéraire.

 

En 1836, Emile de Girardin initie ce changement en créant le quotidien bon marché, La Presse dont il réduit le prix d’abonnement afin de conquérir un public plus large. Pour rester concurrentiel, les autres journaux suivent le mouvement. Girardin comprend que pour que cette presse soit viable, il faut fidéliser les lecteurs et pour cela il décide de publier des romans complets.

 

La Vieille Fille (1836), sur le combat entre deux prétendants pour la main d’une riche femme de quarante ans, de Balzac est souvent considéré comme le premier roman publié sous forme de feuilleton. L’écrivain a fait face aux tâtonnements du genre dont ont profité par la suite Eugène Sue et Alexandre Dumas. Balzac doit se plier aux exigences éditoriales et à la censure. Il doit respecter une certaine longueur, pas trop long, pas trop court mais il peine à se défaire des caractéristiques de son écriture et met plusieurs années à maîtriser la technique. Il est détrôné par Eugène Due et le succès des Mystères de Paris publié en 1842 dans Le journal des débats. L’auteur dépeint la misère parisienne à travers quelques personnages qui se battent contre l’injustice. Balzac renoue avec le succès dans ce genre avec La Cousine Bette en 1846, qui raconte l’histoire d’une vieille fille disgraciée cherchant à se venger de son entourage.

 

Cette innovation s’inscrit dans un contexte d’éducation, de démocratisation et d’alphabétisation des classes ouvrières. Le roman-feuilleton participe alors à l’émergence d’une culture de masse ce qui lui vaut également de nombreuses critiques. En effet, avec le roman-feuilleton qui devient un véritable genre, les éditeurs de journaux les érigent en opérations publicitaires destinées à être rentables. Des équipes d’auteurs sont embauchées pour écrire des romans rapidement et en accord avec les goûts du public. Ce format est particulièrement propice à l’écriture collaborative, à plusieurs mains. Certains y voient alors une littérature industrielle voire même pervertie, réduisant la littérature à un simple divertissement économiquement intéressant. Au milieu du XIXème, leur succès grandissant va même provoquer des réactions politiques. Effectivement, des puritains s’expriment à l’Assemblée nationale pour dénoncer le danger que représente cette démocratisation du débat d’idées. Au contraire, Alfred Nettement, auteur d’Etudes critiques sur le feuilleton-roman (1847), s’inquiètent de l’affaiblissement des prises de positions politiques dans les journaux au profit de pratiques commerciales qui pourraient corrompre les écrivains eux-mêmes. Selon lui, cette dérive de la littérature en roman-feuilleton correspond à une dérive générale des arts littéraires. L’écriture littéraire se trouve altérée par de nouveaux procédés utilisés pour tenir le lecteur en haleine comme l’art du suspense, jugé racoleur par certains critiques. Les auteurs sont accusés de ne se préoccuper que de la quantité et non plus de la qualité du texte. Pour lutter contre une forme littéraire jugée dangereuse, une taxe est imposée aux journaux qui publient ces feuilletons par l’amendement Riancey de juillet 1850.

 

Cette forme de narration a par la suite été reprise par la télévision.

 

Pour aller plus loin :

 

-       Gillet Michel. Machines de romans-feuilletons. In: Romantisme, 1983, n°41. La machine fin-de-siècle. pp. 79-90. http://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1983_num_13_41_4656  

-       Alfred Nettement, Études critiques sur le feuilleton-roman, Lagny, Paris, 1847.